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Romane D.

Les populations sont forcées de quitter leurs maisons,
qui sont ensuite rasées

21.05.2025,
Deir el-Balah.

"Cela fait un moment que je ne vous ai pas écrit. Et, pour être honnête, je ne sais plus vraiment quoi dire.

Cela fait bientôt trois mois que plus rien ne rentre dans Gaza. Nous nous rapprochons dangereusement de la famine. Mes collègues sont épuisés, ils n’en peuvent plus de cette situation. Je ne sais déjà pas comment ils ont réussi à tenir jusqu’ici, mais maintenant, ils me le disent clairement : ils sont à bout.

Les hôpitaux continuent d’être bombardés, encerclés par des tanks, et ceux qui tentent de sortir se font tirer dessus. Les distributions de repas (faites avec les moyens du bord, comme broyer des pâtes pour en faire de la farine et ensuite du pain, ou encore les parents qui ne mangent plus pour laisser un peu de nourriture à leurs enfants), sont elles aussi prises pour cibles. La plupart du temps, ce sont des femmes et des enfants qui attendent dans ces files…

Je n’ai plus de mots pour décrire ce que nous vivons ici. Je ne comprends pas ce dont la communauté internationale a encore besoin pour mettre fin à ce massacre et à ces atrocités.

Je suis très fatiguée. Fatiguée de cette violence, mais surtout de l’impuissance à laquelle je fais face chaque jour.

Le 15 mai a commencé l’opération “Gideon's Chariots”, une opération militaire censée "en finir avec le Hamas" et permettre aux forces israéliennes de prendre le contrôle total de Gaza. J’espérais ne jamais avoir à vous écrire depuis Gaza dans de telles circonstances.

Les collègues vivant dans le Nord m’ont écrit qu’ils avaient vécu l’une des pires nuits depuis le début de la guerre. Moi, je suis au centre (à Deir el-Balah). J’entends les explosions pour démolir les maisons dans la "buffer zone" au loin, elles n'arrêtent pas. Les bombardements autour de moi se sont intensifiés jour après jour.

Pour l’instant, nous n’avons pas grand-chose à faire si ce n’est rester chez nous et attendre les instructions, s’il y en a : soit on nous ordonnera d’évacuer notre bâtiment, soit de rester confinés dans un endroit “sécurisé”. Nous avons décidé de rester en hibernation jusqu’au 20 mai, puis nous aviserons en fonction de l’évolution de la situation.

Des discussions ont repris à Doha, et le Hamas est revenu à la table des négociations. On espérait qu’un cessez-le-feu en sortirait rapidement, mais jusqu’ici, rien de nouveau. L’opération Gideon's Chariots continue et s’intensifie.

De plus en plus de mes collègues doivent évacuer leurs maisons, sans avoir nulle part où aller. Je leur ai proposé de se “réfugier” dans nos bureaux. Mais pour les milliers d’autres personnes à nouveau déplacées, il n’y a plus aucune place. Les bâtiments encore debout sont pleins. Ils sont donc contraints de dormir dans la rue, avec ou sans tente. C’est abominable.

Je lisais l’autre jour qu’en 36 heures, 250 Palestiniens avaient été tués. Cela me dépasse…

Comme beaucoup d’autres organisations, nous avons demandé à faire sortir du personnel (moi) un peu plus tôt, pour éviter d’être coincés par cette nouvelle offensive. Mais aucune des personnes inscrites à la rotation n’a été autorisée à sortir par les autorités israéliennes. Finalement, cela n’aurait rien changé : la veille de la rotation, elle a été annulée. Personne n’a pu partir. On soupçonne que c’était pour permettre l’entrée des tanks et des troupes ce jour-là.

Pour finir, vous lirez peut-être dans les médias qu’une nouvelle fondation, la Gaza Humanitarian Foundation, prévoit de distribuer de l’aide alimentaire à Gaza et plaide pour la réouverture des frontières. Ne tombez pas dans le piège : cela n’a rien d’humanitaire.

Il s’agit en réalité de la mise en place, petit à petit, de ce qui pourrait s’apparenter à des "camps de concentration" modernes. J’utilise des mots forts, mais c’est malheureusement ce que nous redoutons que cela devienne si rien n’est fait pour stopper cette initiative. Les populations sont forcées de quitter leurs maisons, qui sont ensuite rasées. C’est là, sur ces ruines, qu’ils créent leurs points de distribution. Pendant ce temps, les gens dorment dans la rue, sous des tentes, ou sans rien.

Cette initiative vient d’Israël, soutenue par les États-Unis. Ils veulent créer des “hubs humanitaires” où l’aide serait distribuée. Pour y accéder, il faudra passer un screening (y compris via reconnaissance faciale). Un seul membre par famille pourra venir récupérer un colis d’environ 20 kg, censé couvrir un mois de besoins en nourriture et produits d’hygiène. Ensuite, cette personne devra marcher seule sur plusieurs kilomètres avec cette charge. Inévitablement, les familles finiront par s’installer près de ces hubs, créant ainsi, petit à petit, des camps fermés. Rien n’est prévu pour les soins médicaux, le carburant, le traitement de l’eau ou des déchets.

Cette “fondation humanitaire” est une honte. Les Nations Unies ainsi que la majorité des grandes ONG internationales ont refusé d’y prendre part. Aujourd’hui, le projet peine à être financé, et nous espérons de tout cœur qu’il échouera rapidement.

De manière générale, la situation n’a pas évolué. En deux mois passés ici, je n’ai pas entendu une seule "bonne nouvelle". Tout ne fait qu’empirer, d’heure en heure. Rien ne nous laisse entrevoir le moindre espoir pour la suite".

[L'autrice est connue du Comité de publication de Gaza-Palestine]


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