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Romane D.

19.07.2025.
La plupart des enfants que je vois ici sont dénutris, transportent des bidons d’eau plus lourds et parfois plus grands qu’eux. Je les entends aussi beaucoup plus pleurer et hurler: ils ont faim.

21.05.2025.
Les populations sont forcées de quitter leurs maisons, qui sont ensuite rasées

19.07.2025.

Bonjour à toutes et à tous,

Comme certain·e·s le savent déjà, je suis revenue à Gaza il y a un peu plus d'une semaine pour ma dernière rotation.

Une semaine à peine sur place, et j’ai déjà été témoin d’atrocités indescriptibles. Il y a trois jours, par exemple, 16 personnes ont perdu la vie alors qu’elles attendaient l’ouverture d’une petite clinique d’une ONG : 10 enfants et 6 femmes sont mortes. Il faut savoir que cette clinique est similaire à celle dans laquelle nous travaillons, et qu’elle est notifiée auprès de l’armée, ce qui, en principe, devrait la protéger de toute frappe.

Lorsque l’information a été remontée par les Nations Unies aux autorités militaires, les réponses reçues étaient les suivantes :

Étant donné qu’ils prennent de plus en plus de territoire, "l’ennemi" se rapproche de nos activités, donc les frappes risquent d’être de plus en plus proches de nous.

Mais "pas d’inquiétude", car ils évitent de frapper lorsqu’il y a des internationaux à proximité (plusieurs frappes auraient été annulées pour cette raison).

Mais donc... tuer 10 enfants et 6 femmes, ça, ce n’est pas un problème ? Je n'ai juste plus la force mentale de recevoir ce genre de nouvelle et pourtant, c'est tous les jours (j'ai entendu qu'environ 28 enfants meurent tous les jours à Gaza.)

Du côté de mes collègues, nous organisons chaque jour un "check-in" sur WhatsApp pour s’assurer que tout le monde est encore en vie. Avec ma collègue Emily, chaque jour, nous nous estimons chanceuses de savoir que chacun·e est toujours parmi nous. Même si très souvent, ils nous expliquent qu’ils n’ont pas dormi à cause des frappes incessantes, que des amis sont morts durant la nuit, etc.

Ils ont tous perdu beaucoup de poids, souffrent de la faim, sont épuisés, et vivent de plus en plus sous des tentes. Les températures montent jusqu’à 35°C, parfois avec un taux d’humidité de 95%. Personnellement, même en dormant dans un bâtiment, j’ai du mal à trouver le sommeil... alors ceux qui dorment dehors, sous les tentes, au milieu des bombardements… je n’ose même pas imaginer.

Il y a peu, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a proposé un plan de construction d’une "ville humanitaire" sur les ruines de Rafah (sud de Gaza), pour y transférer l’ensemble de la population civile. L’ancien Premier ministre Ehud Olmert a qualifié cette initiative de "camp de concentration", tandis que de grands experts israéliens en droit international ont averti que cela constituerait une série de crimes de guerre et contre l’humanité, pouvant mener à une forme de génocide.

Vous vous direz peut-être que cela ne peut pas aller aussi loin, que ce n’est pas possible. Mais ici, à Gaza, une chose est certaine: quand Israël annonce un plan, ils vont jusqu’au bout, même si cela prend plusieurs années. Par exemple, GHF (Gaza Humanitarian Foundation) est née d’une proposition discutée l’an dernier, remise sur la table à plusieurs reprises sous différentes formes. Et nous y voilà.

À ce sujet, je vous recommande la lecture de cet article auquel PUI et d’autres ONG ont contribué. (Attention, le FT a donné un lien valable pour seulement 300 vues gratuites, déjà partagé avec toute la mission.) Et ici une petite video qui vous montre comment ces distributions ont lieu ...

Lors d’un exercice sur la stratégie 2026, nous avons abordé notre capacité à continuer nos opérations ici, tout le monde s’est montré très pessimiste. C’était une discussion difficile. J’aimerais vous partager un témoignage glaçant qui m’a marquée :

"No one cares about the genocide. They will kill each one of us, block by block, family by family, person by person. Mice are more valuable than us (we are less than insects). Even to the eyes of the European states, other Arab governments and the US."

Ce commentaire faisait (entre autre) écho au fait que l’UE a annoncé qu’elle ne sanctionnerait pas Israël, tout en l’appelant à ouvrir les frontières et à laisser entrer plus d’aide. Jusqu’à présent, aucun changement visible n’a été observé sur le terrain. De notre point de vue, cette position est profondément hypocrite et honteuse. Surtout lorsqu’on parle de construire une "ville humanitaire"…

Bref, vous l’aurez compris, rien n’a changé, et la situation continue de se détériorer.

Ici, la violence, la souffrance sont devenues insupportables. La plupart des enfants que je vois ici sont dénutris, transportent des bidons d’eau plus lourds et parfois plus grands qu’eux. Je les entends aussi beaucoup plus pleurer et hurler, j'imagine qu'ils ont faim. En tout cas, je le vois avec les enfants qui vivent avec moi. Les conditions de vie sont abominables, et les frappes continuent.

J’espère que dans la prochaine, je pourrai vous parler d’un cessez-le-feu, et que la situation se sera, ne serait-ce qu’un peu, améliorée.

[L'autrice est connue du Comité de publication de Gaza-Palestine]

21.05.2025,
Deir el-Balah.

"Cela fait un moment que je ne vous ai pas écrit. Et, pour être honnête, je ne sais plus vraiment quoi dire.

Cela fait bientôt trois mois que plus rien ne rentre dans Gaza. Nous nous rapprochons dangereusement de la famine. Mes collègues sont épuisés, ils n’en peuvent plus de cette situation. Je ne sais déjà pas comment ils ont réussi à tenir jusqu’ici, mais maintenant, ils me le disent clairement : ils sont à bout.

Les hôpitaux continuent d’être bombardés, encerclés par des tanks, et ceux qui tentent de sortir se font tirer dessus. Les distributions de repas (faites avec les moyens du bord, comme broyer des pâtes pour en faire de la farine et ensuite du pain, ou encore les parents qui ne mangent plus pour laisser un peu de nourriture à leurs enfants), sont elles aussi prises pour cibles. La plupart du temps, ce sont des femmes et des enfants qui attendent dans ces files…

Je n’ai plus de mots pour décrire ce que nous vivons ici. Je ne comprends pas ce dont la communauté internationale a encore besoin pour mettre fin à ce massacre et à ces atrocités.

Je suis très fatiguée. Fatiguée de cette violence, mais surtout de l’impuissance à laquelle je fais face chaque jour.

Le 15 mai a commencé l’opération “Gideon's Chariots”, une opération militaire censée "en finir avec le Hamas" et permettre aux forces israéliennes de prendre le contrôle total de Gaza. J’espérais ne jamais avoir à vous écrire depuis Gaza dans de telles circonstances.

Les collègues vivant dans le Nord m’ont écrit qu’ils avaient vécu l’une des pires nuits depuis le début de la guerre. Moi, je suis au centre (à Deir el-Balah). J’entends les explosions pour démolir les maisons dans la "buffer zone" au loin, elles n'arrêtent pas. Les bombardements autour de moi se sont intensifiés jour après jour.

Pour l’instant, nous n’avons pas grand-chose à faire si ce n’est rester chez nous et attendre les instructions, s’il y en a : soit on nous ordonnera d’évacuer notre bâtiment, soit de rester confinés dans un endroit “sécurisé”. Nous avons décidé de rester en hibernation jusqu’au 20 mai, puis nous aviserons en fonction de l’évolution de la situation.

Des discussions ont repris à Doha, et le Hamas est revenu à la table des négociations. On espérait qu’un cessez-le-feu en sortirait rapidement, mais jusqu’ici, rien de nouveau. L’opération Gideon's Chariots continue et s’intensifie.

De plus en plus de mes collègues doivent évacuer leurs maisons, sans avoir nulle part où aller. Je leur ai proposé de se “réfugier” dans nos bureaux. Mais pour les milliers d’autres personnes à nouveau déplacées, il n’y a plus aucune place. Les bâtiments encore debout sont pleins. Ils sont donc contraints de dormir dans la rue, avec ou sans tente. C’est abominable.

Je lisais l’autre jour qu’en 36 heures, 250 Palestiniens avaient été tués. Cela me dépasse…

Comme beaucoup d’autres organisations, nous avons demandé à faire sortir du personnel (moi) un peu plus tôt, pour éviter d’être coincés par cette nouvelle offensive. Mais aucune des personnes inscrites à la rotation n’a été autorisée à sortir par les autorités israéliennes. Finalement, cela n’aurait rien changé : la veille de la rotation, elle a été annulée. Personne n’a pu partir. On soupçonne que c’était pour permettre l’entrée des tanks et des troupes ce jour-là.

Pour finir, vous lirez peut-être dans les médias qu’une nouvelle fondation, la Gaza Humanitarian Foundation, prévoit de distribuer de l’aide alimentaire à Gaza et plaide pour la réouverture des frontières. Ne tombez pas dans le piège : cela n’a rien d’humanitaire.

Il s’agit en réalité de la mise en place, petit à petit, de ce qui pourrait s’apparenter à des "camps de concentration" modernes. J’utilise des mots forts, mais c’est malheureusement ce que nous redoutons que cela devienne si rien n’est fait pour stopper cette initiative. Les populations sont forcées de quitter leurs maisons, qui sont ensuite rasées. C’est là, sur ces ruines, qu’ils créent leurs points de distribution. Pendant ce temps, les gens dorment dans la rue, sous des tentes, ou sans rien.

Cette initiative vient d’Israël, soutenue par les États-Unis. Ils veulent créer des “hubs humanitaires” où l’aide serait distribuée. Pour y accéder, il faudra passer un screening (y compris via reconnaissance faciale). Un seul membre par famille pourra venir récupérer un colis d’environ 20 kg, censé couvrir un mois de besoins en nourriture et produits d’hygiène. Ensuite, cette personne devra marcher seule sur plusieurs kilomètres avec cette charge. Inévitablement, les familles finiront par s’installer près de ces hubs, créant ainsi, petit à petit, des camps fermés. Rien n’est prévu pour les soins médicaux, le carburant, le traitement de l’eau ou des déchets.

Cette “fondation humanitaire” est une honte. Les Nations Unies ainsi que la majorité des grandes ONG internationales ont refusé d’y prendre part. Aujourd’hui, le projet peine à être financé, et nous espérons de tout cœur qu’il échouera rapidement.

De manière générale, la situation n’a pas évolué. En deux mois passés ici, je n’ai pas entendu une seule "bonne nouvelle". Tout ne fait qu’empirer, d’heure en heure. Rien ne nous laisse entrevoir le moindre espoir pour la suite".

[L'autrice est connue du Comité de publication de Gaza-Palestine]


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